Les banques françaises accélèrent leur retrait d’Afrique. Une tendance favorable à l’essor des banques locales dans un secteur porteur, analysent les experts.
Le groupe bancaire français Société générale accélère depuis quelques années son départ du continent africain. Après la cession de ses filiales du Burkina Faso, de Mauritanie, du Mozambique, de la Guinée Équatoriale, du Tchad et du Congo, le désengagement de ce groupe cible désormais les représentations du Ghana, du Cameroun et de la Tunisie en 2024 notamment, en attendant le Sénégal et la Côte d’Ivoire en 2025.
Un désengagement au pas de course qui confirme un mouvement entamé par le Crédit agricole et BPCE, dans la foulée de la crise économique de 2008, engendrée par le désordre économique des subprimes, ces crédits immobiliers accordés aux plus démunis en Amérique.
Outre une faible rentabilité et un contexte géopolitique difficile pour les entreprises françaises, les nouvelles exigences réglementaires dans le secteur bancaire, connues sous le nom de Bales III, imposent aux banques plus de fonds propres pour assurer les risques.
De quoi limiter leur compétitivité sur le continent, du fait de la réduction des capitaux à investir. Dans ce contexte, Slawomir Krupa, le nouveau directeur général de la banque, a déclaré, en avril 2023, que l’une de ses principales priorités était d’allouer plus efficacement le capital de Société générale.
En cela, la Société générale se situe dans le sillage des grands groupes bancaires anglo-saxons comme Barclays, Citigroup et Standard chartered bank qui ont dû partir du continent.
Un stimulateur
Pour autant, l’agence de notation internationale américaine Fitch estime que le départ des grands groupes bancaires français sera positif pour le secteur bancaire africain.
“Nous voyons des opportunités importantes pour les banques locales et régionales en Afrique malgré les défis. Certains groupes bancaires aux ambitions panafricaines devraient à terme acquérir suffisamment d’envergure pour concurrencer les institutions établies de longue date”, analyse l’agence de notation sur son site internet.
“La concurrence accrue entre les groupes bancaires panafricains devrait stimuler la croissance du crédit, souligne Jamal El Mellali, le directeur des institutions financières en charge des banques africaines. Les filiales africaines (des groupes français, NDLR), poursuit-il, sont souvent incapables de cibler certains segments de l’économie en raison de l’appétit pour le risque prudent de leur banque mère, et elles suivent des politiques de classification et de provisionnement des prêts plus strictes que les banques locales”.
Interrogé par l’agence de presse Ecofin, le président directeur général du groupe bancaire BGFI, basé à Libreville, partage cette analyse optimiste.
“La compétitivité des banques africaines s’est renforcée ces dernières années, ce qui explique en grande partie le désengagement croissant des banques occidentales moins adaptées aux risques et aux évolutions des marchés africains, insiste Henri Claude Oyima. Ces départs nous offrent l’opportunité de consolider notre position sur le continent”.
Du reste, BGFI qui revendique la place de premier groupe bancaire d’Afrique centrale, a repris la filiale congolaise de Société générale en juin dernier.
Les autres groupes bancaires panafricains comme UBA, Ecobank international corporated, Attijariwafa bank, Afriland first bank, Oragroup, Banque extérieure d’Algérie ou Rawbank, etc. pourront profiter de l’espace laissé par les banques françaises pour se développer, analyse l’agence de notation financière Fitch Rating.
La revue annuelle 2023 du cabinet international en stratégie McKinsey révèle que les revenus sur capitaux propres (ROE) des banques africaines, 15% en 2022 et 16% en 2023 sont supérieurs à la moyenne mondiale : 12% en 2022 et 13% en 2023.